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Je ne vous connais pas. Je ne sais même pas si je peux vous imaginer marcher dans le froid. S’il y a de la neige parfois sous vos pas. Je ne sais pas dans quelle ville cette scène aurait lieu. Je ne sais pas si vous vous asseyez sur des pelouses aux beaux jours avec des amis, près d’une piscine municipale abandonnée. Je ne sais pas le visage de vos amis. Si vous aimez qu’ils soient beaux, qu’ils pleurent facilement, qu’ils s’enflamment pour n’importe quoi, qu’ils offrent des cadeaux inutiles.

Je ne sais pas si vous aimez quelqu’un. Une fille, un garçon.

S’il y a une histoire qui dure depuis toujours, vous vous êtes rencontrés vous aviez 17 ans et aujourd’hui c’est compliqué.

Si vous vous êtes ensemble depuis février dernier, que tout se passe bien mais que c’est trop tôt pour en parler.

Je ne sais pas si vous vivez seule. Comme on va de la cuisine jusqu’à la chambre. Je ne sais pas s’il y a des rideaux qui laissent passer la lumière le matin et vous vous réveillez comme ça.

Je ne sais pas si on entend le bruit de la rue, s’il y a des livres posés par terre à côté du lit. Je sais seulement la chaise rouge devant le piano.

Je sais certaines choses qui s’affichent de vous et le reste il faut deviner. Je sais comment vous jouez du piano, j’essaye de vous apprendre un peu de cette façon-là, mais souvent on se trompe sur ces choses-là. Je ne sais pas lire votre langue. J’appuie sur « traduction » pour comprendre les légendes. Sans doute je prononce mal votre prénom. Je ne sais pas avec quels gestes vous accrochez le foulard autour de votre visage. Si c’est un geste que vous aimez faire, qu’il faut refaire plusieurs fois par jour. Je ne sais pas comment vous choisissez le tissu, s’il y a une boutique où vous aimez aller pour les acheter ces foulards. Mais peut-être ça ne passe pas du tout comme ça, je ne sais pas.

Sur cette photographie vous êtes au bord de la mer. Vous portez un chemisier comme dans La leçon de Piano de Jane Campion. Sous la photo il y a un texte, vous évoquez une personne, je peux cliquer sur son nom et aller voir de quelle personne il s’agit mais cela ne m’apprendra rien.

Je fais défiler des images. Votre piano partout. Sur certaines photographies on voit le micro, les câbles. Je vous imagine penchée vers votre ordinateur, prête à double cliquer pour la millième fois. Espérant la prise magique.

Je ne vous connais pas. Je vous suis sur Instagram. C’est une histoire ordinaire.

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Video: Şüheda Eriş
edit: Büşra Kayıkçı
Piano and sound design written/recorded/produced by Büşra Kayıkçı
Vocals and text by Vincent Delerm
Mix and masterings by Lichte Studio (Martyn Heyne)

#vincentdelerm @vincentdelermofficial